Communication

Libérer ou restaurer la nature ?

Session plénière #01
Les enjeux de la diversité
Communication orale
  • 10h30 - 16h00
  • Thierry Dutoit - directeur de recherche CNRS, Institut Méditerranéen de Biodiversité et Écologie, Avignon
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Co-auteur(s) : Julie Chenot 1,2, Renaud Jaunatre 3, Elise Buisson 1

Actuellement, un peu partout sur la planète, on restaure, on réhabilite, on dépollue des espaces qui ont été détruits par les activités humaines qu’elles soient d’origine industrielle ou agricole. La dernière conférence internationale sur la biodiversité qui s’est tenue à Nagoya au Japon en 2010, a ainsi fixé pour objectif, la restauration de 15% de tous les écosystèmes de la planète d’ici à 2020 ! Cependant, de récentes analyses ont démontré l’impossibilité de restaurer l’intégralité des écosystèmes qui préexistaient du fait de l’existence de seuils d’irréversibilité tant au niveau écologique que technologique ou socio-économique.
Est-alors apparu le concept théorique de « nouveaux écosystèmes » qui sont des écosystèmes récents, légués après une période d’exploitation non durable et dégradés tant au niveau de leur biodiversité que de leur production de services écosystémiques. La perception de leur naturalité et de leur évolution future reste cependant encore largement méconnue faute d’investigations. Faut-il alors « laissez-faire » la nature ou intervenir à tout prix pour une hypothétique restauration d’écosystèmes culturels historiques ?

Nous avons cherché à apporter des éléments de réponses à cette question à partir du cas des carrières abandonnées de la plaine de La Crau dans le département des Bouches-du-Rhône. Nous y avons alors mesuré la biodiversité (flore, faune, habitats) des nouveaux écosystèmes issus de l’exploitation dans les années 1970-80 de carrières alluvionnaires sèches (300 ha) afin de les comparer à l’écosystème culturel de référence, toujours utilisé en matière de restauration et/ou conservation (la steppe de Crau) dont plus de 7400 ha sont classés en Réserve naturelle nationale depuis 2001.

Nos résultats ont montré que la variabilité des conditions d’exploitations passées des carrières a créé aujourd’hui une grande quantité de nouveaux habitats qui abritent une flore et une faune toutes aussi riches que la steppe de référence mais bien différentes dans leur composition. Ainsi, aucun des traitements de restauration employé après l’arrêt de l’exploitation il y a trente années (transfert de sol notamment) n’a permis de restaurer l’intégralité de la composition et des fonctions de l’écosystème de référence. Face à ce constat, nous préconisons la mise en place d’un système de veille pour suivre l’évolution future des nouveaux écosystèmes créés en lieu et place d’une nouvelle destruction pour une hypothétique restauration. Sont également prévues en 2017, des campagnes d’enquêtes sociologiques auprès des populations et acteurs de l’aménagement du territoire afin de mesurer comment sont perçus ces nouveaux écosystèmes par rapport au référent culturel qu’est traditionnellement la steppe de Crau.

1 Institut Méditerranéen de Biodiversité et Ecologie (IMBE), IUT Avignon, site Agroparc BP 61207, 84911 Avignon Cedex 09, France.
2 Société des Carrières de La Ménudelle, GAGNERAUD Construction, Saint Martin de Crau.
3 IRSTEA, Ecosystèmes Montagnards », Irstea Domaine Universitaire, 2 rue de la Papeterie BP 76, 38402 Saint-Martin-d’Hères, France.