Communication

Les méthodes de conception de l'innovation : les apports des démarches partenariales recherche – développement

Session plénière #01
Compétitivité et questions économiques et sociétales
Communication orale
  • 10h30 - 13h00
  • Christian Huyghe, directeur scientifique adjoint Agriculture - INRA et président du COST de l'ACTA
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Selon la définition donnée par l’OCDE, en 2005, l’innovation est l’adoption par des opérateurs d’une nouveauté, qu’il s’agisse d’un produit, d’un processus, d’une méthode ou d’une organisation. Il faut donc bien identifier ce qui relève de la conception de cette nouveauté et de son adoption.

Différents cadres théoriques ont été développés pour préciser les différentes méthodes de conception d’une nouveauté. On peut ainsi identifier d’une part la conception réglée, poursuivant des objectifs constants, définis à l’avance et conduisant préférentiellement à des améliorations incrémentales, de type E (Efficience) (selon la structuration ESR proposée par Hill et Mc Rae en 1995). On identifie d’autre part la conception innovante, dont l’équipe d’Hatchuel, Ecole des Mines de Paris, a posé les cadres théoriques, et qui permet d’explorer largement le champ des possibles, en évitant les effets de fixation. Elle permet de répondre à des objectifs changeants, et de proposer des innovations de rupture (de type R).
Il s’agit dès lors, en recherche et en R&D, de faire cohabiter une conception réglée préférentiellement portée par les acteurs économiques et le développement et une conception innovante tournée vers les preuves de concept et mobilisant davantage la recherche.
Les démarches partenariales recherche – développement, entre organismes de recherche et instituts techniques et organismes de développement ainsi que les partenariats publics – privés (PPP) offrent la possibilité d’une telle coexistence et articulation. Différents outils existent pour mener à bien un tel travail : conception assistée par modèles, prototypage par atelier de conception, conception pas à pas, expérimentation.

L’adoption d’une innovation repose sur un équilibre entre l’espoir engendré par l’innovation proposée et l’aversion au risque et au changement. Elle est d’autant plus délicate que l’innovation est de type R, mais repose d’une part sur la qualité de l’innovation proposée et d’autre part sur un accompagnement des opérateurs et acteurs économiques. La théorie des rendements croissants d’adoption permet d’identifier les principaux leviers de l’adoption : apprentissage par l’usage, externalités directes et indirectes de réseau, formation. Là encore, le système de recherche – développement offre des conditions favorables.

L’analyse des processus d’innovation et d’adoption d’innovations dans un grand nombre de secteurs économiques a conduit à la mise en place d’une échelle dite de TRL (Technology Readiness Level), qui permet de positionner les différents opérateurs (de la recherche fondamentale à l’utilisation par les opérateurs économiques) et leurs activités et productions, d’identifier les relations, échanges et rétroactions entre acteurs aux différents niveaux de l’échelle, de documenter certaines caractéristiques clés qui varient aux différents niveaux de cette échelle. L’une d’elles est particulièrement importante en agriculture. Il s’agit de la dépendance aux conditions locales, qu’elles soient économiques ou liées au milieu (biotique et abiotique). En recherche fondamentale, la dépendance au milieu est faible et ce sont surtout les processus génériques qui sont analysés. Pour l’utilisation d’une innovation, la dépendance au milieu est plus forte, mais variable selon les innovations. Ainsi, quand on envisage la conception et l’adoption de systèmes de production agricole, répondant aux principes de l’agro-écologie qui repose notamment sur la mobilisation des régulations biologiques positives, il apparaît alors clairement que la dépendance au milieu devient plus forte qu’avec des modèles de production plus conventionnels et que ceci met en tension la chaine (qui est en fait plus une série de boucles) de conception et de transfert des innovations.

Ce cadre permet de revisiter avec efficacité nos organisations, nos modes de fonctionnement, de programmation et d’évaluation des acteurs de l’écosystème de recherche et de développement agricole.